Ce rocher construit dans le parc de la Fosse Baille aux Vents à Beauvais en 1987 par un architecte spécialisé dans les structures d'escalade est investi d'une volonté esthétique singulière. Il ressemble à une sculpture monumentale de béton dont les formes issues apparemment de la nature ne semblent obéir à aucun procédé constructif. Entre le gréement nautique et l'entrelacs torrentiel ou encore, entre le dinosaure fossilisé et la montagne miniaturisée, ce volume creux qui possède une façade, un dos et un intérieur, et qui est constellé de trous et de prises, semble être le fruit d'un imaginaire où les formes sont stylisées, dessinées et modelées dans une esthétique plus organique que minérale.
Dans la plupart des cas que nous pouvons voir aujourd'hui, l'architecture du mur d’escalade est un assemblage de plans plus ou moins inclinés, plus ou moins difficiles finissant par ressembler au Merzbau, la Cathédrale de la misère érotique, de Kurt Schwitters. La surface du rocher de Beauvais au contraire n'est pas facettée, elle est d'un seul tenant (pour la façade du moins) comme une enveloppe, presque comme une peau. À l'inverse du rocher de Beauvais dont les prises sont creusées dans la paroi, les prises lisses et ergonomiques des murs artificiels sont fixées en saillie sur le plan du mur. Elles aussi sont associées à un vocable plus organique que minérale. Suit la "philosophie" d'un fabricant de prises d'escalade illustrant parfaitement ce déplacement :
1- Plaisir des formes ergonomiques. 2- Alliance des matières innovantes. 3- Fluidité et originalité unique. 4- Contact d’un grain fin adapté. 5- Variété des préhensions douces. 6- Esprit créatif et sensibilité. 7- Précision et évolution. 8- Finition et esthétisme.
Ce "manifeste" évoque à la fois l'esthétique organique des années 50/60 et le développement actuel du design (Ipods), c'est-à-dire caractéristique d’une vision sensualiste et consommatrice de la nature.
Cet objet pose la question de l’usage de la sculpture et, en particulier, de son usage dans l’espace public. Plus précisément, l'expérience du corps du grimpeur sur la sculpture est au centre de cette étude et nous ne ferons pas l'économie de l'arrière plan psychologique de cette relation. L'élément poétique et linguistique du nom du site "Rocher de la Fosse Baille aux Vents" condense à lui seul l'ensemble du projet.